Still be there - Bo Hyun.

Il avait encore dans la tête toutes ces voix indistinctes, perdues dans la fumée, qu'ils avaient laissés derrière eux. Il n'avait pas encore lâché la dernière bouteille qu'ils avaient commandé, et s'il ne tanguait pas bêtement comme quelques-uns de leurs amis, il ne le devait qu'au mur auquel il s'appuyait depuis leur sortie du bar. Et pourtant, malgré ses pensées brouillées et ses jambes flageolantes, il ne parvenait pas à ôter un sourire béat de ses lèvres. Seong Joo voyait encore les jupes trop courtes des filles se soulever aux rythmes de leurs danses, leurs tailles se tordre et leurs hanches se balancer. Il n'avait jamais imaginé ses années de jeunesse autrement : sexe, alcools et cigarettes. Il vivait, semble-t-il dans un rêve éveillée, d'où rien ne pouvait visiblement l'en sortir, et surtout pas sa propre conscience. Ses responsabilités ? Il n'en avait cure. Du moins pas là, en ce moment même, appuyé contre ce bête mur de briques, qui sauvait son honneur. Admiré, envié, fabuleusement riche. Il réussissait dans tous les domaines, et ne voyait pas pourquoi cela devrait un jour cesser. Il avait la chance au bout des doigts, une cuillère en argent dans la bouche. Enfant unique, héritier chéri d'un capital considérable, son destin de millionnaire semblait tout tracé, et il ne s'en plaignait pas. Les filles et l'alcool coulaient à flot, les caisses ne désemplissaient pas, et s'il n'était pas assez bête pour croire que son entourage l'aimait plus pour lui-même que pour son compte en banque, il osait tout de même penser que certains, et pas des moindres, le suivaient pour tout autre chose. L'affection, peut-être. Et pourquoi cette soudaine envie de rire, là, tout de suite ? Il jeta un coup d'œil malheureux à sa bouteille quasiment vide, avant de desserrer sa prise, et de la laisser tomber. Oups. chuchota-t-il avant de laisser échapper un rire hésitant, sa voix rendue trop rauque par trop de cigarettes et de boissons. Il se baissa, mais à peine sa main eut-elle effleurée un morceau de verre qu'il sentit une vive brûlure là où la chair avait été entaillée. Il grimaça, et porte son index à ses lèvres, avant de se retourner, les yeux à demi-clos.

La ruelle était sombre, et aucune lumière ne semblait y pénétrer. Il ne savait pas très bien pour quelles raisons il avait terminé ici, alors qu'il entendait les rires des autres un peu plus loin. Peut-être aurait-il du les appeler, ou retourner vers eux pour retrouver l'ambiance chaleureuse qu'il venait de quitter mais... il n'en avait pas envie. Une goutte de sang glissa le long de son menton, et il l'essuya instinctivement du dos de sa main, laissant une marque rouge sur sa peau déjà rosie par le froid. Il frissonna lorsqu'une brise s'engouffra sous sa veste, conçue pour tout, sauf pour un temps si frais. Un éclair blond attira son attention, au milieu de son groupe "d'amis", toujours postés au bout de la ruelle. Visiblement, personne ne s'inquiétait de son absence. En temps normal, cela ne l'aurait pas inquiété. Alors pourquoi cette sensation désagréable au creux de son estomac ? Un contrecoup de l'alcool ? N'était-ce pas trop facile ? Il porta une main à sa tempe, et la massa doucement de son pouce. Il s'éloignait de la douce euphorie dans laquelle il avait été plongée quelques heures plus tôt, et il n'aimait pas cela : il était bien trop tôt pour retrouver la réalité, aussi douce soit-elle. Jamais rien ne vaudrait les rêves, et encore davantage lorsqu'ils étaient provoqués par l'alcool.

Seong Joo s'était rapproché, presque sans le vouloir. Il marchait plus ou moins droit, un juron lui échappant à chaque pas de travers. L'éclair blond se tenait toujours là, un peu en retrait, mais pas en meilleur état que lui et tous les autres, il l'aurait parié. Ahn Bo Hyun. Un chef de confrérie, qu'il aurait du jalouser à en crever, comme il le faisait si bien avec Lim Jun Wan. Mais non. Ce blondinet là lui avait toujours plu. Son répondant ? Son air ? Ou peut-être le fait qu'il ne le déteste pas, tout simplement. En tous les cas, ils n'avaient jamais vraiment réussi à être ennemis, aussi ridicule que soit le concept même de sa confrérie. Il cessa sa marche maladroite, et s'appuya de nouveau à son mur, toujours fidèle, ne quittant pas son ami des yeux. Il y avait dans sa tête, en cet instant, beaucoup trop de choses qu'il n'appréciait pas. Beaucoup trop d'hommes en l'occurrence. Lui, l'homme à femmes, celui qui n'avait qu'à se baisser pour ramasser les plus belles fleurs de toute la Corée, se mettait à penser aux hommes comme objets de désir potentiel, et c'était bien la première fois qu'il se laissait déstabiliser de cette façon. Si ce fichu Park Ki Hyun n'ignorait pas tant ses remarques, sans doute n'aurait-il jamais eu à s'approcher davantage de lui, sans doute n'aurait-il jamais eu à le toucher et... non. Non, c'était seulement l'alcool. Il ne pensait pas vraiment cela, il ne pouvait PAS admettre cela. Il déglutit péniblement, et ouvrit un autre bouton de chemise. A l'heure actuelle, il ne savait plus vraiment s'il avait trop chaud, ou trop froid, et il fixait toujours Bo Hyun, qui regarfait ailleurs. Mais qu'avait-il donc fait... mais que faisait-il donc ? Certes, il n'avait pas mis bien longtemps avant de voir l'attirance évidente de Jun Wan pour son ami : tous ces regards et ces mots bafouillés. Une vraie femme, et on se demandait encore ce qu'il pouvait bien faire à la tête des Yum. Mais n'y aurait-il pas eu un meilleur moyen de le blesser que... cela ? En voulant faire d'une pierre deux coups, en voulant se prouver qu'il n'était en rien attiré par les hommes, il venait certainement de se prendre à son propre piège.

Et avait plus ou moins passé la soirée à peloter un homme. Il grimaça de nouveau, loucha sur ses mains qui avaient osé toucher autre chose que les formes pleines et généreuses de ces femmes qu'il aimait tant. Et alors ? Et maintenant ? Qu'est ce qui n'allait pas chez lui ? Dans un soupir, il se décolla franchement du mur, chancela un instant, mais se rattrapa bien vite. Son ami était à portée de main, aussi n'eut-il qu'un pas à faire pour lui empoigner fermement le bras, et le tirer vers lui, à l'ombre de la ruelle. Pourquoi avait-il fait cela ? C'était comme si ses pensées se croisaient, s'embrouillaient, se défaisaient, se liaient puis s'envolaient, avant qu'il n'ait eu le temps de les saisir correctement. Il porta finalement son index blessé à ses dents, et mordit légèrement, faisant de nouveau couler le sang. Et il tendit finalement sa main au blondinet debout devant lui. Je saigne... dit-il tout bas, les sourcils froncés, la voix toujours trop rauque. Il ne parvenait pas à y voir clair, à réfléchir comment, et ne savait même plus comment Bo Hyun était arrivé là, devant lui, ne savait même plus ce qu'il avait fait quelques secondes auparavant, pourquoi son doigt lui faisait mal, et où était passée sa bouteille.

Il se laissa glisser contre la banquette, une langue pointée au coin des lèvres. C'est qu'elles étaient vicieuses, ce soir, pensa-t-il lorsqu'il sentit les genoux de l'inconnue de chaque côté de son corps. Son corps se calait parfaitement contre le siens. C'était bon, mais si la jeune fille n'avait pas autant d'alcool dans le nez, probablement qu'elle ne serait pas en train de se frotter si vulgairement contre lui. Sa main se posa tout de même contre la hanche de cette dernière, appuyant une certaine force pour qu'elle calme un peu ses hormones. Le résultat fut un échec total. Il la repoussa lentement et hocha négativement la tête. Était-elle seulement majeure pour faire les bars comme ça ? Elle était bien foutue, oui, mais les filles trop faciles, c'était pas son genre. La fille sembla vexée un moment, avant de reprendre son air fier et de se redresser. Ah, tiens, soudainement, elle tenait très bien sur ses pieds. De toute façon, y'en a des bien plus riches par là-bas. Ouh, dur. Il écrasa sa cigarette dans le cendrier déjà plein de la table et passa une main au travers de ses cheveux, soupirant. En tout cas, ce qui ne restait pas faux, c'est que lui, il en avait calé déjà plusieurs des verres et des bouteilles qu'il ne comptait plus. Ça commençait à descendre, doucement, mais le voile embrouillé ne semblait pourtant toujours ne pas lui suffire. Il attrapa sa dernière bouteille - il s'était dit que c'était la dernière - et la cala rapidement. Cette sensation brûlante et drôlement rassurante au creux de son estomac ; il ne s'en lassait pas. Mais qui ne savait pas que Bo ne tenait pas très bien l'alcool ? Il redéposa la bouteille et tourna la tête, maladroitement, vers le groupe de gens dont il s'était retiré un moment pour flirter avec la belle. Puis il cligna des yeux. Une fois, deux fois, succombant au troisième clignement, un sourire un peu bête dessinant le coin de ses lèvres. Bo... on va prendre l'air un peu. Il redressa la tête, saisit par la voix. Puis il acquiesça, un peu décalé, repoussant la main tendue pour se relever seul. Et là, il le sentit. L'alcool dans ses veines qui descendait. Il s'était levé trop rapidement. Il jura et serra l'épaule de son dit ami - hum, c'était qui, déjà ? - posant une main contre son front. Geste inutile, le mal n'était pas là. Le mal n'était nul part en fait, et en le réalisant, il laissa un léger rire passer la barrière de ses lèvres. Puis il tapota l'épaule du plus jeune, se ressaisissant, attrapant son paquet pour enfiler sa veste. Chaud, chaud, il devait sortir et prendre l'air un peu, lui aussi... il attrapa deux bouteilles au passage, en fourrant une (très) difficilement dans sa poche - même s'il s'était dit que c'était la dernière, et rejoint le groupe à l'extérieur.

Le contraste entre le chaud étouffant de l'intérieur et le froid qui annonçait l'hiver à l'extérieur le déstabilisa. Il avait d'abord grimacé, mais, finalement, il s'était rapidement réchauffé, sans aucune raison. C'était probablement pour ça que l'alcool était si rassurant en un sens. Elle cachait tous les défauts, physiques comme mentaux, pour donner à l'esprit une impression de bien-être : une sensation de liberté, aussi, mais celle-là, elle était pas particulièrement bonne. Sur ce point-là, Bo s'en fichait probablement plus qu'il n'aurait dû. Il s'écarta un peu des autres et s'appuya contre un mur de brique. Une autre cigarette. Le blond n'était pas non plus un fumeur régulier, mais quand il buvait, c'était une vraie cheminée sur pattes. Sa main gauche s'était glissée à l'intérieur de sa poche, tandis qu'il divaguait, loin, loin de l'endroit où il se tenait réellement. Les voix, il les entendait. Clairement, même. Mais filtrer les mots, ça, il n'y arrivait pas. Donc, bientôt, il décida d'ignorer totalement ce qu'on disait. Puis il s'écarta, sans même le remarquer. Bientôt, il avait tourné le coin et empruntait la ruelle du côté, sans trop se poser de questions, sans se demander si c'était dangereux à cette heure-là, sans avertir les autres. Mais il les voyait toujours, de toute façon, et ils finiraient bien par remarquer que deux d'entre eux les avaient à présent quitté. Tiens, oui, il était où celui-là. Il leva la tête et, juste comme il se posait la question, aperçu une silhouette un peu plus loin. Il l'observa un instant, sans capter qu'il s'approchait de lui, puis s'arrêta en plein milieu. Il jeta la cigarette à moitié fumée au sol et écrasa le mégot, gardant la tête basse. Le reste fut comme un blanc, parce que quand l'autre lui adressa la parole, il ne sut pas trop s'il venait manquer de trébucher, si un inconnu l'avait tiré dans un coin sombre, ou s'il avait tout bonnement rêvé. Endormi ? Non, pas endormi, pouvait encore sentir les doigts qui serraient son bras pour l'attirer, comme une marque imprimée. C'était le cerveau qui comprenait à retardement, ça. Il leva la tête et fronça les sourcils. Il aurait dû s'en douter, en fait, que c'était lui qui l'avait attiré comme ça. Pour quelle raison : ça, il ne le savait pas, mais il baissa effectivement la tête pour observer la main du plus vieux. Je saigne... Sans vraiment réfléchir, et comme si c'était la nouvelle la plus alarmante de la soirée, il attrapa la main de son ami et appuya maladroitement contre son index, une goûte rouge vint se formant à la surface de la peau coupée. Oui, il saignait vraiment, Bo, pas besoin de t'étonner.

Merde.

Les lèvres pincées, il hocha négativement la tête et passa son pouce contre la blessure, le sang s'étalant sur le doigt et tachant les siens. Hum, non, ce n'était définitivement pas le moyen d'effacer ce qu'il venait de faire. Sans réfléchir, une fois de plus, il essuya le sang contre son jean. Puis il jura et laissa la main de Seong Joo, fouillant dans ses poches pour trouver quelque chose. N'importe quoi, juste pour essuyer la blessure. Mais rien, à part son portefeuille et quelques trucs inutiles qui ne servaient absolument à rien. Et la bouteille, si serrée. C'était si urgent que ça, au final ? Il leva les mains en résignation, sans même comprendre lui-même ce qui était si décourageant à tout ça. Il tira contre son poignet et se laissa retomber au sol, l'autre le suivant dans sa chute. Puis il retira difficilement la bouteille pour la déposer devant lui, l'autre rejoignant peu après. Il massa d'abord douloureusement sa cuisse avant de tirer à nouveau sa main vers lui, coinçant une bouteille entre ses cuisses pour l'ouvrir d'une main. Il marmonna quelque chose, comme quoi c'était ce qu'ils faisaient dans les films, et dressa la bouteille au dessus du doigt de l'autre. Hm, à part la grimace douloureuse qui avait dessiné les traits de l'autre, il ne voyait pas trop à quoi ça avait servit à part mouiller leurs vêtements et.. oh. Il cligna des yeux.

Tu saignes plus.

Il redressa la tête et laissa tomber la main de l'autre, l'air presque fier. Puis il ebouriffa les cheveux de Joo avant de pivoter sur lui même, s'appuyant au mur et rejetant la tête vers l'arrière. Tête qui se cogna à la brique, mais ça aussi, il ne sembla que difficilement le remarquer. Il tendit la bouteille déjà ouverte au plus vieux et tira l'autre vers lui. Ne jamais perdre cette sensation, toujours flotter, haut, très haut, et si l'envie de vomir se faisait sentir... boire encore plus histoire que ça ait valu la peine et qu'on ne passe pas quatre heure dans la salle de bain. Comme ça, c'était rapide. Incohérence... pourquoi il se retrouvait dans une ruelle, assis par terre, à se préoccuper d'une toute petite coupure sur le doigt de Seong Joo ? Alors que, oui, il y avait de ces bombes à l'intérieur. Et que, en temps normal, Joo serait avec une d'elles. Lui aussi, probablement. A la place, ils étaient là, comme des cons, et Bo avait déjà oublié qu'il avait versé le liquide brûlant sur la plaie de son ami.

Pourquoi t'es pas avec une fille, toi, huh ?

Il observait ses réactions, avide du moindre signal de... de quoi exactement ? Il fronça les sourcils, perdu dans ses propres réflexions. Le simple fait de penser lui donnait mal au crâne, ce qui n'avait rien de flatteur en soi, mais pour ce soir, il n'en avait plus grand chose à faire. Bo Hyun était visiblement désolé par cette blessure, mais n'étant pas en meilleur état que lui, y semblait tout aussi impuissant. Pourquoi lui en avoir parlé déjà ? Peut-être parce qu'il n'avait rien trouvé de mieux à dire en cet instant, peut-être parce qu'il lui avait fallu parler, oui, parler pour justifier le fait qu'il l'ait tiré à lui. Et depuis quand devait-on se justifier quand il s'agissait d'un ami ? Aish. Ce n'était décidément pas le moment de chercher des réponses à toutes ces questions qui tournaient et tournaient encore entre ses tempes douloureuses. Le blondinet se laissa tomber à terre, l'entraînant à sa suite. Il atterrit sans aucunes grâce sur le sol, et maudit silencieusement le bitume d'être si dur. Mais il n'eut pas le temps de penser davantage à ses fesses endoloris : l'autre resserra ses doigts sur son propre poignet, et attira sa main vers lui pour y verser un peu de l'alcool contenue dans la bouteille qu'il venait d'ouvrir. Seong Joo grimaça, même si la douleur semblait venir d'un autre corps, dans un autre monde. Il ne fit que peu de cas de ses vêtements trempés par endroit. Il aimait cette sensation d'être ailleurs, déconnecté de cette dimension, comme si chaque geste ne comptait pas, comme si tout allait s'effacer au matin, ce qui n'était malheureusement que rarement le cas. Il regarda son doigt qui, comme venait de le confirmer son ami, ne saignait plus, et un sourire bête fendit un instant son visage.

Je saigne plus. dit-il finalement, alors que son compagnon d'infortune lui ébouriffait les cheveux. Il ferma les yeux, souriait toujours, et laissant échapper un rire béat, qui s'évanouit dans l'obscurité. Il se redressa maladroitement pour se mettre sur les genoux, et dans un élan d'affection primaire, entoura le corps de son ami de ses bras, avant de déposer ses lèvres sur sa joue froide. Merci, chuchota-t-il en riant toujours. Puis il s'assit à nouveau, incapable de garder plus longtemps son équilibre précaire. Il accepta néanmoins la bouteille que lui tendait son ami, et en prit sans attendre une gorgée, espérant ainsi effacer son mal de tête. Il sentit le liquide brûlant couler le long de sa gorge, et sa chaleur envahir la totalité de son corps. Il soupira d'aise, alors qu'il éloignait le goulot de sa bouche, comme comblé. Une légère nausée tournait dangereusement autour de lui, mais il n'y prenait pas garde, préférant profiter pleinement de ce moment où rien d'autre ne comptait que lui, son plaisir et puis... il baissa les yeux sur Bo Hyun, une lueur indéfinissable dans le regard. Est-ce qu'il comptait lui ? En valait-il la peine o ferait-il simplement parti des myriades de personnes qui l'avaient collé un temps, avant de s'envoler sans laisser de traces. Inconsciemment, il aurait aimé que ce ne soit pas le cas, que ce blondinet assis en face de lui reste là sa vie entière. Pourquoi ? Il l'ignorait. On n'avait pas besoin des autres pour vivre, non ? Ils ne comptaient pas, si ce n'était pour prendre du plaisir, ou de l'argent. Il ferma les yeux, et effaça une grimace de mécontentement par une nouvelle gorgée d'alcool. Ne pouvait-il pas être un bourré heureux ?

A la remarque de son ami, il leva les yeux vers lui, et posa la bouteille non loin de sa cuisse. Ben, si... Et soudain, il se redressa vivement, comme frappé par une illumination. Il appuya fermement ses paumes sur le torse de Bo Hyun, et écarquilla les yeux, la bouche entrouverte. Merde. C'est vrai, t'as pas de seins... dit-il avant de baisser les bras, visiblement découragé. Je crois que je t'ai pris pour... une autre. chuchota-t-il finalement, une lueur amusée dans le regard.

Je saigne plus. Les mots étaient venus, l'avaient fait sourire, puis étaient repartis lorsque qu'il avait à nouveau posé le goulot contre ses lèvres. Il en avait presque déjà oublié la raison. Pourquoi était-il là, assis dans la rue, aux côtés de Seong Joo et... et pourquoi il saignait, en fait ? Il haussa les épaules, comme s'il s'adressait à lui-même, fermant les yeux tandis que sa tête continuait de divaguer contre le mur de briques froides derrière lui. Puis il soupira. Avant même qu'il ne puisse penser à répondre quoi que ce soit, l'autre s'élança dans une étreinte, étouffant presque le blond qui resta immobile un long moment avant de saisir qu'il venait de poser ses lèvres contre sa joue. Merci. Huh... Il cligna des yeux et tourna la tête vers le plus vieux, haussant un sourcil. Puis plus rien. Il avait de nouveau fermé les yeux. Aucun besoin de lui répondre. La nausée... elle le rattrapait rapidement, chaque fois qu'il se posait et arrêtait de parler, de fumer ou de boire. Mais dès qu'il prenait la gorgée suivante, elle disparaissait, se dissipait quelques secondes. Il l'oubliait jusqu'à la prochaine gorgée. Autant la boisson alcoolisée lui brûlait-elle agréablement la gorge, autant son estomac, lui, ne brûlait pas d'une façon très agréable. Il le savait. Il savait parfaitement ce qui allait se produire. Plus tard, dans une heure, deux heures, trois heures peut-être - quatre s'il avait de la chance. Mais d'ici là, il n'avait pas à s'inquiéter. Renchérir, toujours plus, même si, bientôt, il ne verrait probablement plus clair. Quoi que... il ouvrit les yeux lorsque l'autre parla à nouveau. Ben si... non, en fait, il ne le voyait déjà plus très clairement. Il plissa les yeux, pinçant les lèvres au même moment. Puis il hoqueta lorsque l'autre appuya ses mains contre son torse. Woah, ça, ça n'aidait pas la nausée. Ça ne l'aidait pas non plus à retrouver le nord. Mais ça l'avait réveillé, au moins, un tout petit peu. Ou du moins, ça l'avait sorti de ses interminables pensées. Il inclina doucement la tête, attentif aux réflexions de l'autre. Puis il rit. Pas une fille. Son rire mourut, lentement, se perdant au fond de sa gorge.

Certes, physiquement, Bo n'était pas une femme. Non, il n'avait pas de poitrine. En fait, c'était à peine s'il avait quelque chose, là, sous son t-shirt. Rien d'alarmant - quoi que. Je crois que je t'ai pris pour... une autre. Il baissa la tête, ayant à peine eu le temps de voir la lueur amusée dans les yeux de son vis-à-vis, observant à présent les bras de l'autre qui retombaient. Mais, si on déviait les lois, au final, un homme pouvait être une femme. Il avait déjà hérité de ce rôle, d'ailleurs, et... Il passa une main contre son visage. Il n'avait pas les idées claires. D'ailleurs, malgré le froid ambiant, il lui semblait avoir un peu trop chaud. Il laissa sa veste retomber de ses épaules, celle-ci tombant au sol. Ça serait une belle matinée, définitivement... puis il redressa la tête et hocha, négativement, lui retournant son sourire amusé.

Techniquement parlant je pourrais être une femme.

Un court silence passa, pendant lequel le plus jeune reconsidéra ses mots. Faux, il ne pouvait pas être une femme. Mais pas du tout, et ça, même s'il prétendait l'être. Il hocha à nouveau la tête et leva l'index, comme pour faire taire Seong Joo. Qu'il n'ajoute aucun commentaire - il n'avait pas terminé ! Ce n'était absolument pas ce qu'il voulait dire. Il n'avait jamais voulu être une femme, et, Dieu merci, il n'en était pas une. Il était très bien dans son rôle d'homme. Enfin... d'homme en devenir, disons.

Je veux dire, en fait, que techniquement parlant, je pourrais prendre la place d'une femme, sans vouloir dire que je pourrais l'être, c'est-à dire que j'ai... je pourrais... avoir les mêmes fonctions qu'une femme... c'est plus compliqué, mais je pourrais faire les mêmes choses et puis, oh, tu comprends.

Il grimaça et cala une bonne partie de sa bouteille. Allez, laissons-nous aller, les sous-entendus, les conneries, les réflexions trop profondes sans aucun sens, tout ça, ça sera oublié demain. Il reposa la bouteille au sol et se redressa, se décollant enfin du mur pour attraper le collet de son ami. Il le repoussa au sol - peut-être un peu trop brusquement, vu le bruit qu'avait causé la rencontre du corps de l'autre contre l'asphalte. Mais il s'en fichait, franchement, à ce moment-là et, de toute façon, il était déjà au-dessus de lui, ses genoux de chaque côté du corps du yumyeong. Il se pencha lentement vers lui, son poing toujours refermé sur son vêtement le tenant bien au sol, et lui adressa un mince sourire, tandis que la pointe de ses cheveux chatouillait délicatement la peau du plus vieux. Il souffla contre son nez et, même si la forte odeur d'alcool l'aurait dégoûté lui-même en temps normal, cette fois, elle sembla le rassurer. Un peu trop bien, peut-être. Il avait presque fermé les yeux, tellement son visage s'était rapproché du siens. Presque. Avant qu'il n'éclate de rire, déviant sa trajectoire vers l'épaule du brun, sa main se desserrant. Il tapota le torse du plus vieux et se redressa aussi rapidement qu'il s'était jeté sur lui, s'assoyant au niveau de son ventre, levant une main à sa bouche. Ah, ce que ça avait l'air drôle. L'air perturbé de son ami, peut-être. Ou, les regards questionnés que lui lançaient le petit groupe, à quelques mètres de là. Soit, les deux combinés ensemble lui donnaient l'effet de la meilleure blague racontée au monde. Il tapota - pas très gentiment, on l'accordera - le torse de l'autre avant de se redresser, tout en attrapant sa bouteille au vol, qui manqua presque se déverser au sol. Mais ça, encore, il ne le remarqua qu'à peine... Il pointa le pauvre jeune homme étalé au sol à ses pieds et sourit, plus amusé qu'il n'aurait dû l'être.

T'aurais dû voir ta tête, quand même.

Techniquement parlant, je pourrais être une femme. A ces mots, Seong Joo pencha légèrement la tête, comme si ce simple geste allait l'aider à trouver le sens caché sous cette phrase. La lueur amusée dans son regard s'était éteinte, et il tentait de retrouver assez de clarté d'esprit pour trouver une réponse à cette réplique sibylline. Dans son état, de toute façon, n'importe quelle parole devenait soudain plus ardue à comprendre. Joo leva un main, et passa son index sur ses tempes. Il sentait le sang battre au-dessous, alors qu'elles se faisaient de plus en plus douloureuses, comme si un milliards de tambours s'y étaient réfugiés. L'index de Bo apparu soudain dans son champ de vision, et il écarquilla les yeux qu'il venait de plisser, dans un espoir vain d'atténuer la douleur naissante. Sans un mot, il se contenta d'observer le doigt de son ami, comme une interdiction au moindre mot. Je veux dire, en fait, que techniquement parlant, je pourrais prendre la place d'une femme, sans vouloir dire que je pourrais l'être, c'est-à dire que j'ai... je pourrais... avoir les mêmes fonctions qu'une femme... c'est plus compliqué, mais je pourrais faire les mêmes choses et puis, oh, tu comprends. Mh. Il avait beau y réfléchir le plus consciencieusement possible, non, il ne comprenait manifestement pas. Comment un homme pouvait-il penser avoir les mêmes fonctions qu'une femme ? Et d'ailleurs... de quelles fonctions parlaient-ils ? Joo haussa un sourcil, laissant la main qu'il avait porté à son front retomber. L'esprit embrumé, il suivit des yeux Bo, qui se relevait avec peine, et pensa qu'il ne lui aurait fallu qu'un effort minime pour tendre la main, et s'emparer ainsi de la bouteille que venait de laisser son ami sur le sol. Il ne doutait pas du pouvoir curatif de ce breuvage, même s'il devrait en payer le prix par la suite. Mais à peine se décidait-il enfin à orienter sa main vers la boisson, qu'une main agrippa son col, pour le repousser brusquement en arrière. La première chose dont il eut conscience fut la douleur causée par la rencontre de l'asphalte avec son dos. Un éclair lancinant qui prit naissance dans le haut de ses reins, pour remonter ensuite le long de sa colonne vertébrale. Il ne pu retenir un gémissement de souffrance, et ses yeux se fermèrent instinctivement, alors qu'il grimaçait de douleur.

Lorsqu'il reprit ses esprits, et qu'il ouvrit les yeux, la première chose qu'il vit fut son ami, penché sur lui. Il eut ensuite conscience de la pression de ses genoux de chaque côté de son corps, et lorsqu'il réalisa enfin la position dans laquelle ils se trouvaient tout deux, il écarquilla les yeux. Déjà, Bo Hyun se penchait vers lui, un sourire désarmant aux lèvres. Figé, il avait le regard rivé à celui de son ami, qui semblait prendre un plaisir manifeste à lui infliger un tel supplice. Il semblait chercher désespérément à se fondre dans le sol, alors que son aîné rapprochait lentement son visage du sien. Mais à quoi jouait-il exactement ? Est-ce qu'il ne savait pas qu'il... enfin... que... que ce n'était pas son truc ? Lèvres pincées, Joo déglutit péniblement, sans pour autant pouvoir bouger davantage. L'alcool lui avait déjà fait perdre le contrôle de ses pensées, et voilà que, pour une raison étrange, la totalité de ses membres ne répondaient plus. Seuls le bout de ses doigts, qui tremblaient légèrement, lui prouvaient qu'il ne s'était tout simplement pas changé en statut de pierre. Le visage du Jinsil disparu soudain de son champ de vision, et il ferma les yeux, retrouvant dans le même temps la faculté de respirer. Son torse se soulevait au rythme de ses inspirations douloureuses, alors que l'oxygène reprenait possession de ses poumons et de son cerveau, qui s'était momentanément mis sur pause. Le souffle de son ami caressa un instant la naissance de son cou, et il frissonna, presque soulagé de le sentir enfin se redresser. Lorsqu'il rouvrit les yeux, ce ne fut que pour trouver le regard amusé de Bo, et sa bouteille pointée vers lui, qui ne semblait toujours pas retrouver le contrôle de son corps. Mais soudain, le tremblement de ses mains sembla gagner ses bras, puis le haut de son corps, jusqu'à ses jambes, qu'il put enfin utiliser pour se relever, avec peine. En équilibre précaire, il se redressa entièrement, avant de jeter un regard mauvais à celui qui se disait son ami. Pour une raison qui lui échappait, il était aussi troublé qu'en colère, et les rires à peine discrets de leurs camarades, un peu plus loin, n'arrangeaient en rien son sentiment d'humiliation. Il arracha subitement la bouteille à moitié vide des mains de Bo, et la jeta avec force aux pieds de ce dernier, où elle se brisa avec fracas. Je... Je ne suis pas... tremblant de colère contenue, il serra les poings. Ça... lança-t-il avec un air de profond dégoût peint sur le visage.

Et sans un mot de plus, avec juste un dernier regard assassin envers Ahn Bo Hyun, il lui tourna le dos pour s'enfoncer davantage dans la ruelle sombre. Il lui semblait avoir retrouvé un peu de ses esprits, même s'il aurait préféré pour voir tout oublier de cette soirée. Il ne parvenait pas à se dire que le geste de son ami n'était qu'une façon de jouer, de le provoquer. Il ne parvenait pas à se défaire de se trouble et de cette gêne qui s'était alors emparé de lui. Il savait pourtant, du moins se doutait, que le Jinsil n'avait pas de préférences particulières. D'ailleurs, lui-même aimait parfois laisser aller l'ambigüité, surtout lorsque Jun Wan était dans les parages. Mais là... là... il porta son poing à sa bouche, et le mordit violemment, sans se soucier d'ouvrir à nouveau sa récente plaie. Le goût du sang mélangé à celui de l'alcool lui ramena cependant le blondinet à l'esprit, et il laissa un cri sourd lui échapper, alors qu'il laissait son poing s'écraser contre ce qu'il pensait être un mur. Il tourna brusquement la tête et son regard se perdit dans l'obscurité qu'avait découvert la porte qu'il venait d'ouvrir. Joo se rapprocha de l'entrée béante, et ses mains s'appuyèrent sur les chambranles. Il venait manifestement de tomber sur un entrepôt désaffecté, ou quelque chose du genre. Quoique ce fut, toute cette obscurité lui donna soudain le tournis, et il recula brusquement, frissonnant de nouveau...

À peine s'était-il levé que le bruit de verre se fracassant contre l'asphalte résonna, quelques têtes se retournant vers les deux jeunes hommes, le blond sursautant. Il cligna des yeux et baissa la tête vers le verre à ses pieds. De justesse. Un peu plus, et c'était sur lui qu'il balançait cette bouteille. Il redressa la tête, seulement pour croiser le regard mauvais de son ami. Fâché... ça, oui, il avait déjà vu Seong Joo fâché, un bon nombre de fois d'ailleurs, et qui ne savait pas comment il était lorsqu'il était fâché. Mais ce n'était pas vraiment comme s'il était réellement fâché. Le plus vieux avait tourné la tête presque aussitôt, et le contact fut très court. Mais ce qu'il lit dans les yeux du dit ami ne fut pas plus de la haine qu'un questionnement. Et de l'humiliation. Il lui avait fait peur, l'avait secoué. Il s'était questionné, puis s'était senti humilié. Réaction normale, mais pas réellement en fait. Et Bo était resté silencieux tandis qu'il lui affirmait une des pires conneries qu'il n'ait entendu ce soir. « Je ne suis pas.... ça. » Ça ? C'était quoi, ça ? Il resta interdit, l'observant s'éloigner, ne manquant pas le regard assassin qu'il lui avait lancé. L'avait-il blessé dans sa fierté ? Il n'avait absolument aucune raison de le faire si justement il n'était pas "ça", comme il le disait si bien. Le plus vieux pinça les lèvres, glissant ses mains dans ses poches tandis qu'il l'observait s'éloigner sans dire un mot... et il le laissait en plan, comme ça. Il s'attendait vraiment à ce que Bo le laisse partir, comme si de rien n'était, sans rien dire et qu'il allait par-dessus tout s'en ficher ? Parce que même s'il avait bu un peu - trop - il savait parfaitement qu'il ne pouvait pas le laisser dans cet état vagabonder dans des ruelles sombres. Surtout pas à cette heure. Ce n'était pas que Seong Joo n'avait pas la carrure mais... oui en fait, c'était ça. Bon, il n'était pas bien mieux non plus, et niveau état, on se demandait même si Bo n'était pas pire que l'autre avec la quantité d'alcool qu'il avait ingurgité. Mais dans tous les cas, à deux, c'était toujours mieux. Quoi que... il soupira et observa le mur de brique devant lui un instant, pesant le pour et le contre. S'il rejoignait son ami, il y avait des chances qu'il se frustre contre lui, qu'il le frappe, qu'il l'insulte et toutes choses dans le genre. Soit, ça passerait, ce n'était pas réellement ce qui allait lui faire du mal. Il tourna la tête vers le groupe d'amis plus loin qui ne semblait pas vraiment les avoir remarqués et secoua distraitement la tête. Ça n'allait pas durer longtemps, le temps de le dire et il le ramènerait ici.

Le cri sourd le fit sursauter. Il ne devait pas être le seul à l'avoir entendu, et même lui qui savait parfaitement de qui ça venait, ça lui avait limite fiché la trouille. Il n'osait pas imaginer la réaction des gens un peu plus loin, si du moins ils avaient entendus eux aussi les colères de l'autre. Bo s'était arrêté en plein milieu de son chemin et avait levé la tête, seulement pour apercevoir le dit Seong Joo qui s'énervait. Puis il était resté silencieux, s'approchant lentement, sans faire un bruit, intrigué. Qu'est-ce qui pouvait le mettre en colère à ce point ? Avait-il touché un point faible chez l'autre ? Lui-même n'avait pas vu le coup venir lorsqu'il frappa contre une porte visiblement pas très solide, tournant la tête vers l'obscurité de l'endroit qu'il avait découvert. Puis il se rapprocha encore un peu du plus jeune, ses bras retombant de chaque côté de son corps tandis que l'autre semblait vouloir s'aventurer dans la pièce. Voilà pourquoi on ne devait pas laisser un Seong Joo bourré seul dans une ruel.... mais il recula. Et le blond réalisa à cet instant qu'il s'était rapproché beaucoup plus qu'il ne l'avait cru. Mais ça, ça l'arrangeait. Il le stoppa dans sa hâte à quitter les lieux et l'accueillit dans ses bras sans vraiment y faire attention, ses bras se glissant autour du corps aussi peu imposant que le siens qui venait de se poser contre son torse. Il baissa la tête et soupira, son menton s'appuyant contre son épaule.

Mais quel trouillard...

Une moue. Trouillard. Dans tous les sens. Parce qu'il avait tenté d'échapper à la situation et s'était enfuit comme ça, comme un idiot. Parce que maintenant qu'il se retrouvait devant cette pièce, il n'osait pas y entrer. C'était juste pour blesser son orgueil un peu, et au fond, pour le blond, ça n'avait rien de méchant. Mais ça l'amusait... profondément. Sa main se posa à plat contre le torse de l'autre et il appuya lentement contre celui-ci, jusqu'à ce que ce soit presque étouffant, seul avertissement pour ne pas qu'il s'écarte. Il redressa le menton, son regard scrutant la pièce plongée dans le noir devant eux. Puis il ferma les yeux et hocha la tête, négativement. Le plus jeune avait-il un faible ? Ou peut-être qu'il avait considéré l'idée. Ils finissaient tous par se poser la question, après tout. Lui, il l'avait réglée d'une façon assez drastique, et il n'était toujours pas certain que ça ait fonctionné. Son pied glissa lourdement contre le sol, traînant la jambe de l'autre vers l'avant jusqu'à ce que son pied à lui passe le cadrage de la porte. Puis il ouvrit à nouveau les yeux à cet instant, tournant la tête pour le regarder, ses yeux passant des siens à ses lèvres, puis à son oreille. Et encore à ses yeux. Joo n'était pas ignorant, il savait que son ami avait eut quelques écarts en cours de route. N'importe qui aurait pu mal prendre ses mots à sa place. Il décida plutôt de les retourner contre l'autre et sa langue claqua contre son palais, tout prêt de son oreille, juste pour l'irriter un peu.

Et si tu étais ça ? Comment peux-tu le savoir, au fond, si tu n'as jamais essayé ?

Il le relâcha et le poussa à l'intérieur une fois pour toute. Puis il entra à son tour, contournant le plus jeune, son chemin s'arrêtant lorsque son genoux rencontra une table - ou un comptoir, quelque chose dans le genre en tous cas. Une briève grimace douloureuse dessina les traits de son visage avant qu'il ne se tourne, s'appuyant contre la dite table et retroussant les lèvres tandis que son regard se posait vers la silhouette de l'autre qu'il pouvait parfaitement distinguer vu d'ici. Ses mains se posèrent contre la surface froide et il se souleva, juste assez pour pouvoir s'y asseoir. C'était plus confortable que le sol, quand même. Il fit signe à l'autre, mais lorsqu'il ne bougea pas, il comprit que lui, il ne le voyait certainement pas aussi bien que lui. Quoi qu'il ne le voyait pas si bien que ça, considérant que tout ce qu'il voyait, c'était sa silhouette totalement noircie. Il réalisa alors que... finalement, le danger, c'était pas Joo. C'était deux idiots complètement bourrés dans une ruelle. Et Bo qui n'avait pas eut ce qu'il voulait accessoirement. Ça n'aidait pas les choses si Joo se posait des questions. Mais quel idiot. Et comme si c'était la question la plus normale au monde qu'on pouvait poser, il posa la suivante avec un mince sourire. Mais son coeur sauta un bond, accélérant légèrement, juste assez pour accentuer la petite sensation d'euphorie qui semblait traverser ses veines à ce moment-là.

Yah Joo, tu veux pas essayer ? Juste une fois... tu pourrais être étonné. Une expérience. Ça reste entre nous deux.

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