« Les ténèbres hors d'atteinte s'éclaircissent. Entre mes doigts, je regarde dans ce monde. Le rouge qui commence à s'effriter. Ton mensonge, à toi aux jolis bras si frêles, est trempé par la pluie. L'espoir qu'il me restait, était-ce aussi un mensonge ? J'ai visité des rêves en pleine décrépitude. Le ciel qui s'étire au loin s'assombrit complètement. »

D'un mouvement las et sans aucune conviction, je porte mes doigts à mes lèvres, consumant cette pauvre cigarette. Pour me détendre. C'est ce que je me dis toujours, du moins. Mais finalement, elle est juste inutile. Ou mes réflexions seraient-elles pires sans ? Je n'ai même pas envie de savoir, je me laisse aller à cette vieille et stupide habitude. Est-ce elle qui me plonge dans tous mes débats internes, ou les stop-t-elle ? Qu'importe, je vis avec ça. Parce que finalement, je suis comme tous les autres humains. Le maître du jeu, certes, mais un homme parmi les autres. Je vous contrôle, oui, petites marionnettes que vous êtes, mais quelqu'un ne me contrôle-t-il pas ? Je me plais à croire que non. Je me berce de douces illusions, moi aussi. Je vous mens, je me ment. Tout mon être respire le mensonge, je suis l'incarnation de l'hypocrisie. Et avec tout ça, j'arrive à me croire supérieur ? Oui, tellement. Pauvres poupées, simples âmes, vous êtes manipulables à souhait, le savez-vous ? Je tire sur les fils, je vous rapproche toujours un peu plus de moi, vous emprisonnant de mon amour faux. Croyez-moi, je ne vous ferais aucun mal. Je vous offrirai tout ce dont vous avez besoin. Je veux juste que vous soyez miens pour l'éternité. Appartenez-moi.

Tout compte fait, ça paraît évident, pourquoi je suis ici. Mais suis-je réellement fou ? Non, je vous fait simplement peur. N'est-ce pas ? Vous avez peur que je vous détruise, peur que je vous possède. Ne pas chercher à comprendre, juste enfermer avant d'être pris au piège. Je vous hais. Je n'ai pas ma place ici, pourtant je ne m'en plains pas. Hana... Je l'aime, malgré que ce soit elle qui m'ait trainé jusqu'ici. J'en veux à tout le monde, sauf elle. Cette femme à la beauté si froide, l'incarnation de la beauté japonaise. Tellement impressionnante, tellement attirante. Je suis si laid à côté d'elle. Et j'étais tellement flatté qu'on me dise que je ressemblais à ma « mère ». Non, je ne lui ressemble aucunement. Elle incarne l'idéal que je veux, à mon tour, incarner un jour. Cette douceur qu'elle m'offrait dans cette distance qu'elle instaurait. Elle ne m'a jamais considéré comme son fils, tout comme je n'ai jamais pu la voir comme une mère. Pourtant, il y avait bel et bien un lien. Tendre mais strict. Et son regard jaloux et dégoûté alors que son mari me désirait. Si elle avait su, combien elle m'attirait bien plus que lui. Si j'avais pu lui dire combien je ne voulais pas de cet homme. Mais finalement, j'aimais qu'elle me regarde ainsi, parce qu'elle faisait attention à moi. Bien plus qu'avant. J'étais là. Immonde mais présent. Tous ses sens étaient tournés vers moi.

Marchant sans grande conviction, je m'offrais une petite visite de l'hôpital, jusqu'à atterrir dans ce jardin plutôt agréable. Peut-être la seule chose ici ? En plus de toutes ces âmes tellement perdues et plus ou moins manipulables. Encore une fois, j'étais partit dans une de mes interminables réflexions. Jetant un œil à ma cigarette, je l’éteins et la jette dans la poubelle la plus proche. Oui, je me demande vraiment si c'est à cause d'elle ou non. Mais une fois de plus, elle se sera consumée sans que je ne m'en aperçoive réellement. J'en allume une seconde, me laissant tomber dans l'herbe dans un soupir enfumé. Fouillant dans le sac qui ne me quitte jamais, je sors un bloc de feuille ainsi qu'un crayon. Page blanche. Pas pour longtemps. Toujours les mêmes traits, avec un peu plus d'espoir à chaque fois. Je redessine ce morceau de visage, celui qui c'est imprimé à jamais dans mon esprit à la seconde où je l'ai vu. Cette femme immonde. Tentant de la rendre aussi exact que mon souvenir, sans jamais y parvenir. Sa peau blafarde, son visage déformé par la haine, ses yeux crachant du dégoût, ses longs cheveux noirs cachant certainement tout autant de coups que mon corps en montrait. Réussirai-je un jour à retranscrire tous ces sentiments qu'elle m'inspire ? Je dois toujours plus la dessiner, ne jamais cesser. Continuer à me détruire par ce souvenir ineffaçable. Ne jamais oublier ce vide total.

« Si je revis mes nuits d'avant encore... Encore une fois... La lumière disparaît... Ça ne marche pas... Encore une fois... »